vendredi 2 juin 2017

Un sac de billes

Auteur : Joseph Joffo
Editions : Le Livre de Poche
Genre : Roman autobiographique
Date de sortie : 2017
Nombre de pages : 288

Quatrième de couverture
Paris, 1941. La France est occupée. Joseph et Maurice, deux frères juifs âgés de dix et douze ans, partent seuls sur les routes pour tenter de gagner la zone libre.
Mon avis

Je me promenais dans les rayons de Cultura quand je suis tombée sur ce livre, j’avais vaguement entendu parler de son adaptation récente au cinéma mais sans plus… Je ne savais pas qu’il était à classer parmi les classiques comme La Guerre des Boutons de Louis Pergaud et Si c’est un homme de Primo Levi.

Je ne connaissais pas du tout Joseph Joffo avant la lecture de ce livre et je le regrette. Sincèrement, il est un exemple pour toutes les générations qui précèdent et qui suivront. Le titre de son roman autobiographique vient de l’innocence du meilleur copain de Joseph, Zeratti qui veut échanger son sac de billes contre l’étoile jaune de Joseph.

En commençant à lire, je pars avec l’idée que le livre consistera dans sa totalité au périple des deux petits garçons à travers toute la France de 39-45 pour atteindre la zone libre mais en réalité, ils y parviennent assez rapidement. C’est plutôt l’histoire d’une famille qui se sépare, se retrouve, se sépare… et qui, malheureusement, perd un de ses membres aux dernières retrouvailles. Pendant tout leur parcours, Joseph et Maurice nous montrent la réalité de la fameuse « zone libre » et surtout celle des Français collabos. Ce sont des enfants obligés de devenir des adultes bien trop tôt mais ils sont déjà tellement matures et extrêmement malins, en effet, ils savent rapidement se sortir des situations compliquées. Leur enfance aura été un enchevêtrement de dangers à éviter, de petits coups de pouce du Destin, d’aides incroyables et de « voyages »-découvertes à travers toute la France de l’époque.

Ce livre est incroyable ! En sachant que c’est une autobiographie, on est ébloui par la maturité des deux enfants et on est tellement attristé par cette enfance passée à fuir. Toutefois, même s’ils se comportent déjà comme des adultes, cette histoire est vue à travers des yeux d’enfants.

Je me trouve rue Marcadet chez ma tante au moment où je lis ce livre et où j’écris cet article, exactement à l’endroit où les petits Joseph et Maurice Joffo ont couru et joué aux billes. C’est une coïncidence qui m'émeut beaucoup.




Titre original : Un sac de billes
Réalisation : Jacques Doillon
Année : 1975
Durée : 1h35


Mon analyse

Après la lecture d’Un sac de billes, j’ai tout de suite regardé quelles en étaient les adaptations, il s’est avéré qu’il n’y en avait que deux, celle de Jacques Doillon et plus récemment, celle de Christian Duguay.

C’est la première adaptation du roman autobiographique de Joseph Joffo. Deux ans après la sortie de ce livre, Jacques Doillon en fait son adaptation.

Dans mon analyse du livre, je disais que les deux garçons faisaient preuve de maturité, mais dans cette adaptation, il est question de TROP de maturité, ils n’ont plus l’insouciance des enfants et sont déjà des adolescents avec leurs problèmes hormonaux. L’une des scènes les montre dans un quartier de prostituées et Maurice en paye une pour lui toucher les seins, il a des préoccupations différentes que vouloir se sauver lui et sa famille. Maurice est très insolent avec tout le monde et particulièrement avec son père. Les deux garçons ne sont reconnaissants de rien envers personne et sont par moment insupportables. En ce qui concerne le père, il est aussi différent du livre, il dit à ses enfants de porter fièrement l’étoile et il a beaucoup de mal à se décider à laisser partir ses deux derniers, c’est la mère qui tente de le convaincre. Dans la suite du roman, alors qu’ils sont tous enfermés et se cachent, le père pète un plomb et n’est plus l’homme calme du livre, parfois même il s’abandonne à son malheur. En parlant des deux parents, l’un des grands frères ne va pas les aider quand ils sont arrêtés la première fois. Les scènes pour passer en zone libre diffèrent aussi du roman. Pour commencer, Maurice et Joseph ne livrent pas la viande du passeur Raymond, et ils vont voir un second passeur, ensuite, ils ne rencontrent pas une autre famille pour les aider, et enfin, Raymond les cache dans un grand bac à roulettes avant de traverser une rue pour être en zone libre. Et à l’arrivée, il n’y a pas de ferme ni de vieil homme.

La question du travail est aussi différente. Ce n’est pas leur préoccupation première de ramener de l’argent à la maison, ils le font plus par défi. Même au camp des jeunes, ils ne travaillent pas mais montent des spectacles sur l’histoire de France. Il y a aussi moins d’images de leurs trajets, on ne les voit pas beaucoup marcher mais arriver directement à leur destination. Les deux petits affrontent plus la vie que la guerre. Ils ne sont pas vraiment dans une volonté de s’en sortir dans le sens où ils veulent plus s’amuser qu’autre chose contrairement au livre où ils sont très responsables et pensent tout de suite aux conséquences de leurs actes. De plus, le réalisateur a laissé libre cours au jeu de ses acteurs, même quand ils rigolent, il ne coupe pas la caméra. Il filme simplement et les laisse s’exprimer.

Contrairement au livre, il y a aussi de petites différences dont voici une petite énumération : les Allemands partent du salon en cours de coiffure quand ils apprennent que c’est un salon juif, les deux grands frères ne sont pas encore partis en zone libre quand les Joffo sont obligés de porter l’étoile jaune, dans le premier train qu’ils prennent pour le Sud, les enfants ne rencontrent pas la grand-mère à la limonade et le curé ne leur vient pas spontanément en aide (Maurice lui dit qu’ils ont perdu leurs papiers), ils ne sont pas aidés par l’homme à la calèche, ils inventent seuls l’histoire de l’Algérie car l’ami d’Alger n’existe pas, le médecin ne les aide pas quand ils sont emmenés par des Allemands, ils ne vont pas chez leur sœur puisqu’ils n’en ont pas, le libraire n’a pas de fils et de femme mais juste une fille, il se passe quelque chose entre Joseph et Françoise, et Joseph « n’aide » pas le libraire.

J’ai vaguement apprécié ce film, c’est une version un peu simplifiée de l’histoire des deux petits garçons mais retrace quand même les grandes lignes de leur fuite continuelle. 


🌍


Titre original : Un sac de billes
Réalisation : Christian Duguay
Année : 2017
Durée : 1h50

Mon analyse


Il m’a fallu attendre la sortie en DVD pour avoir la chance de regarder cette adaptation et je ne suis absolument pas déçue.

Cette version d’Un sac de billes met en scène plusieurs acteurs connus du petit et du grand écran dont Patrick Bruel, Elsa Zylberstein, Christian Clavier, Kev Adams ou encore Bernard Campan. Le réalisateur Christian Duguay s’est inspiré de la première adaptation de Jacques Doillon pour son film, cela se ressent dans certains petits détails (marqués par l’astérisque « *J.D. » dans la suite de l’article).

La fidélité du film au livre est remarquable même si certains détails ont été modifiés ou complètement supprimés sans pour autant en modifier le caractère fort et l’histoire du roman. Les scènes du premier train qu’ils prennent pour le Sud diffèrent parce qu’elles ont été restreintes, de ce fait, les enfants ne font pas la connaissance de la grand-mère à la limonade, l’Allemand ne plaisante pas avec le curé et ce dernier ne partage pas un repas avec les deux garçons. Le personnage de Joseph est tantôt en train de faire une crise de larmes et tantôt en train de donner des coups de pied à un Allemand à terre (cette scène est d’ailleurs très étrange puisque son supérieur rit de leur comportement). Il n’est pas toujours courageux mais décuple parfois une grande force. Quant au médecin juif, il joue un rôle plus important car il réapparaît deux fois pour encourager Joseph à s’en sortir.

Le père est beaucoup plus présent dans ce film que dans le livre, les enfants le croisent plusieurs fois au fil de leurs péripéties dont celle où ils parviennent enfin à se libérer de l’Hôtel Excelsior à Nice, ils le retrouvent brièvement. Ils essaient de rester tous au maximum en famille, de ce fait, les parents vont jusqu’à accompagner les deux plus jeunes au camp de jeunesse.

La violence de certaines scènes sert aussi à rappeler le contexte dans lequel Maurice et Joseph évoluent. Ainsi, l’exécution de Ferdinand ou encore celles des résistants sont particulièrement dures. Même la fameuse scène de la gifle du père est difficile, qui plus est, il n’y en a pas qu’une seule. Cette violence se ressent aussi pendant la traversée en zone libre par Raymond car un autre passeur et plusieurs familles non loin d’eux se font arrêter par des Allemands, et au vu du bruit des rafales à travers la forêt, certains ont dû être mitraillés. A la fin du film, le petit Joseph veut mettre fin à toute cette violence contre le collabo qui l’a employé en criant « Je suis Juif », c’est une scène importante et vraiment touchante parce que, pendant plusieurs années, il lui a été interdit de le dire alors une fois la guerre terminée, il se sent libre de le crier tout en sauvant le libraire d’une exécution immédiate.

En ce qui concerne les petits détails « insignifiants » : Maurice fume (*J.D.), les deux grands frères ne sont pas encore partis au moment de l’arrivée de l’étoile jaune (*J.D.), ils ne font pas la tournée de viandes de Raymond (*J.D.), Maurice ne fait pas passer d’autres familles contre de l’argent, d’ailleurs il préfère parfois les filles au travail (*J.D.), Joseph ne travaille pas dans la montagne, il y a une véritable histoire entre Françoise et Joseph, il n’est pas le premier à partir pour Paris et n’a pas les problèmes du livre avec les résistants qui l’empêchent de partir, et enfin, les deux Joffo assistent à la tonte des femmes qui ont eu des relations avec les Allemands.


J’ai vraiment beaucoup aimé cette adaptation de Christian Duguay. Il nous montre la belle complicité entre les deux plus jeunes frères mais aussi entre la famille au complet. Et comme l’histoire fait partie de l’Histoire, on pleure aussi beaucoup. Le film est, dans son ensemble, très fidèle au livre de Joseph Joffo, ce qui en fait une très bonne adaptation.

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